Comment une affaire d’égos est devenue une affaire d’Etat
De rebondissement en rebondissement, l’affaire ne finit pas de défrayer la chronique. Une banale histoire de rappel d’agents publics qui est en passe de mettre à mal les relations diplomatiques entre le Burkina Faso et le Canada. Bamyinga.com s’est intéressé à ce dossier brulant qui ne finit pas de faire couler encre et salive depuis plus d’une année. Le moins que l’on puisse dire, bien plus que certains manquements allégués et montés en épingle, cette affaire est à l’origine une banale affaire d’égos, aggravée par des inconséquences du gouvernement
Une bonne compréhension de cette crise et de ses développements nécessite assurément une bonne connaissance des circonstances exactes de sa survenue. La genèse des faits remonte au contexte du rappel de l’ex ambassadeur du Burkina Faso au Canada, Athanase Boudo. Ce rappel survient dans un contexte assez tendu au sein de l’ambassade, notamment au sommet de celle-ci. Les deux premiers responsables, l’ex ambassadeur Boudo et son numéro 2 le ministre conseiller Sévérine Bationo, jadis très proches, voire complices à la limite, ne sont plus en odeur de sainteté, l’un vis-à-vis de l’autre, depuis un bon moment. Et pour cause ? Une série de malentendus les opposent au sujet de la vie de la mission diplomatique. La tension était bien palpable, à en croire nombre de témoins dans la maison, même si l’ex ambassadeur tente de minimiser la situation. Lors d’un entretien à la télévision 3TV, en novembre 2022, après son retour à Ouagadougou, il a pratiquement botté en touche, face à la question des bisbilles entre lui et son numéro 2. Mais de son côté, celle-ci est convaincue que son supérieur d’alors lui en voulait, à cause de certains désaccords au sujet de la gestion de certains dossiers. C’est du moins ce qui ressort d’une NAM (jargon des diplomates pour dire Note à l’attention du ministre) adressé à sa hiérarchie courant mai 2022, pour rendre compte de la situation au sein de l’ambassade dans la période. Selon elle, le premier couac remonte à la fin de l’année 2021, lorsqu’il s’est agi de préparer les états généraux de la diplomatie, prévus pour se tenir en janvier 2022, à Ouagadougou. C’était encore sous le régime Kaboré. L’ambassade avait mis en place un groupe de travail chargé de faire un diagnostic de la diplomatie burkinabè, ainsi que le demandait un canevas envoyé par le ministère de tutelle. Le groupe de travail, présidé par le ministre conseiller Bationo, avait entre autres missions de mettre en évidence les faiblesses de la diplomatie et d’en proposer des solutions, en termes d’actions à mener. Le rapport provisoire de ce groupe de travail, soumis à l’attention de l’ambassadeur Boudo, n’aurait pas été du goût de ce dernier. Lorsque le document lui est soumis, il introduit des amendements consistant notamment à élaguer des pans, pourtant jugés importants par ses concepteurs.
Crime de lèse-majesté !
Il s’agit entre autres des points concernant le budget de l’ambassade, dont le groupe de travail a déploré le caractère trop secret et l’élaboration non participative. Comme solution le groupe préconise de rendre désormais l’élaboration du budget de l’ambassade participative et sa mise à la disposition du personnel, une fois adopté. Un autre point de réforme, suggéré par le groupe de travail et que l’ambassadeur voulait voir élagué, concerne le fait que l’ambassadeur aimait conduire jusque-là en solitaire ses rencontres avec l’extérieur. Toute chose qui en rendant le rapportage et le suivi assez problématique, dans le cadre de la capitalisation des activités de la mission diplomatique. A ce niveau, le groupe préconise l’implication des techniciens de l’ambassade dans les rencontres extérieures de l’ambassadeur. Cela aurait le double avantage, estime les membres du groupe, non seulement d’informer les techniciens sur les activités de la mission, mais aussi de faciliter la rédaction et de rendre disponibles les rapports d’activités. Lorsqu’elle reçoit en retour le document contenant les amendements de l’ambassadeur, le ministre conseiller dit avoir commis le crime de lèse-majesté de le partager avec les autres membres du groupe de travail en vue, dit-elle, d’une séance de prise en compte. L’ambassadeur lui aurait reproché une faute professionnelle, car, aurait-il estimé, elle devait juste intégrer ses amendements et lui renvoyer le document pour signature. Toute chose qu’elle dit ne pas entendre de cette oreille, vue qu’il s’agissait d’un travail de groupe. Pour elle, il n’était pas indiqué d’intégrer les amendements de l’ambassadeur à l’insu des autres membres du groupe. Ce serait plutôt cela la faute professionnelle, considère-t-elle. Toujours est-il que l’ambassadeur en aurait fait un problème, soutient-elle. Il avait commencé dès cet instant, ajoute-t-elle, à communiquer à minima avec elle…
Au cas où il devrait demander l’asile au Canada…
Deuxième malentendu de taille, lorsque survient le coup d’état de janvier 2022 au Burkina, poursuit l’ancienne numéro 2, l’ambassadeur lui a demandé, plusieurs semaines après ces évènements, et après que les autorités canadiennes se soient déjà prononcées sur cette situation, de rédiger une note verbale à l’attention de celles-ci, pour les en informer. La technicienne qu’elle est, dit lui avoir beau expliquer que cela n’était plus opportun, y compris avec l’appui de l’avis d’un supérieur hiérarchique au niveau de l’administration centrale à Ouagadougou, rien n’y fait; l’ambassadeur, soutient-elle, tient mordicus à ce que cette note soit envoyée aux hôtes canadiens car, dit-il, s’il advenait qu’il doive demander l’asile au Canada, les autorités canadienne pourraient lui reprocher de n’avoir pas donné officiellement l’information concernant le changement de régime au Burkina. Cela donne lieu encore à des tiraillements entre les deux personnalités. Toujours est-il que la numéro 2 ne s’exécutera pas. Elle n’écrira pas la note exigée par son patron, malgré l’insistance de celui-ci. Quelques temps après, survient la notation du personnel de l’ambassade. La numéro 2 qui avait jusque-là bénéficié d’une très bonne appréciation de son supérieur, avec de très bonnes notes, s’en sort cette fois-ci avec la plus faible note de la maison. En se déportant à son bureau pour chercher à comprendre le pourquoi d’une telle contreperformance, explique-t-elle, elle tombe des nues. L’ambassadeur lui reproche des faits ayant eu lieu en 2022, notamment le problème de la note verbale évoqué plus haut, pendant que la notation concerne l’année 2021. Lorsqu’elle tente d’attirer son attention sur cet état de fait, poursuit-elle, l’homme s’emporte et lui demande de quitter son bureau, mettant ainsi fin à la conversation. Tout cela ne manque pas d’en rajouter à l’atmosphère déjà très électrique dans la maison. Le torchon brûle à grande flamme entre les deux grosses têtes. L’ambassadeur Boudo, rejoint par l’argentière de la maison, Pulchérie Tapsoba qui, elle aussi semble avoir des comptes à régler avec le ministre conseiller Bationo, sont d’un côté, et cette dernière de l’autre. La défiance est à son comble dans la maison. Chaque camp promet à l’autre d’avoir sa tête. C’est dans cette ambiance délétère que l’ambassadeur reçoit, à la mi-mars 2022, une correspondance en provenance de Ouagadougou. Quand il ouvre l’enveloppe, c’est la consternation : il doit plier bagages ; il est mis fin à ses fonctions.
Incident diplomatique !
A en croire les témoignages, pour l’ambassadeur et alliés, la source de ce rappel est toute désignée : c’est le ministre conseiller Bationo. Dans son entretien télévisé, l’ex ambassadeur balaie cela d’un revers de main. Il ne peut pas descendre si bas, soutient-il en substance. Mais plusieurs témoins sont formels : il le leur a bel et bien dit, soutiennent-ils à l’unisson, tout en se disant abasourdis par son revirement à la télévision. Dans le camp du ministre conseiller, on en est plus que convaincu. On en veut notamment pour preuve le fait que contrairement à son habitude, en quittant son poste cette fois-ci, l’ambassadeur n’a pas daigné nommer son numéro 2 intérimaire, conformément aux textes en la matière. Au point même de créer pratiquement un incident diplomatique avec le Canada, relève une correspondance du ministère en charge des affaires étrangères. Sur ce point l’ex ambassadeur, contacté par Bamyinga, dit avoir tout fait dans les règles de l’art. Il évoque l’article 51 du décret n°2021-1091/PRES/PM/MAECIABE/MINEFID/MFPTPS du 25 octobre 2021 qu’il cite : « En cas d’absence du Chef de la Mission, l’intérim est assuré par son premier collaborateur ou à défaut par l’agent le plus ancien dans le grade le plus élevé relevant du personnel diplomatique, qui agit en qualité de Chargé d’affaires ad intérim ». Selon sa logique ici, sans même qu’il ne désigne formellement un intérimaire, cette disposition suffit en soi pour régler de facto cette question d’intérim. « Cela est connu et à ce que je sache, le ministère qui a la compétence a pris des dispositions pour le respect de ces dispositions… », laisse-t-il entendre. Mais le paradoxe c’est que cette même disposition existait avant son rappel. Et lorsqu’il s’absentait en ce moment-là, il prenait le soin de désigner formellement par écrit son intérimaire, tel que le décret le prévoit. Pourquoi estime-t-il cette fois-ci que c’est au décret de tout régler de facto ? s’interroge médusée dame Bationo. Mieux, au niveau du ministère, on estime que c’est parce que l’ex ambassadeur ne l’a pas fait au point de créer l’incident au niveau des hôtes canadiens, que le ministère a été obligé d’écrire pour désigner l’intérimaire. Les canadiens avaient du reste manifesté leur mécontentement, en écrivant à l’ambassade pour demander de cesser toute communication avec eux, tant qu’il n’aura pas désigné un interlocuteur attitré, dit le ministère.
Il se dit même qu’après avoir pris connaissance de sa lettre de rappel l’ambassadeur était tellement furieux qu’il aurait juré que dame Bationo n’assurerait jamais l’intérim après lui. Il promettait de la faire partir du Canada avant lui et de détruire sa carrière. Pendant que de son côté, la trésorière quant à elle lui promettait la prison, soutient-on. Bien entendu, la main sur le cœur, les deux nient ces faits catégoriquement.
Vous avez dit emploi fictif ?
C’est dans cette atmosphère, explique dame Bationo, que, sans même daigner informer la tutelle à Ouagadougou, l’ex ambassadeur et la trésorière décident de trouver des preuves pour la poursuivre en justice, en vue de détruire, comme promis, sa carrière et l’envoyer en prison. Voilà comment l’histoire d’emploi fictif sera montée de toute pièce, poursuit-elle. Son employé de maison lui avait demandé une autorisation d’absence de deux semaines, en vue de rentrer à Ouagadougou pour raisons de famille. Pour ses deux contradicteurs, cela est un pain béni. Une bonne raison pour l’accuser d’emploi fictif. C’est ainsi raconte-t-elle, qu’elle fera l’objet de violations intempestives de son domicile, au grand dam des règles élémentaires de la diplomatie. D’abord, c’est la trésorière qui se rend un jour à son domicile, à son insu, pendant qu’elle est au bureau, au motif de vérifier la présence de son personnel de maison. Un acte d’autant plus incongru qu’elle avait déjà été informée auparavant que l’intéressé était absent. Ensuite, c’est un huissier de justice canadien qui sera commis par l’ex ambassadeur, à l’effet de procéder, toujours à son insu, à des constatations à son domicile et dresser procès-verbal. Et ils ne s’arrêtent pas là : les services d’un avocat canadien seront aussi sollicités en vue d’étudier les possibilités de poursuites contre elle. Ces services sont dans un premier temps payés par le budget de l’Ambassade, puis sur fonds propres de la trésorière, après le départ de l’ex ambassadeur. Tout cela dénote, de l’avis du ministre conseiller, de leur méconnaissance des règles élémentaires de la diplomatie, qui leur auraient permis de savoir qu’aucune poursuite judiciaire ne pouvait être engagée contre elle par des agents canadiens, dans ces circonstances et pour pareils motifs.
Face au reproche qui lui est fait d’avoir, en procédant ainsi, violé l’immunité diplomatique de sa collaboratrice, l’ex ambassadeur est formel : « Nos actions ont été en stricte conformité des dispositions de la Convention de Vienne en la matière », répond-il. Il évoque notamment l’article 22 de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques qui dispose que « les locaux de la mission sont inviolables. Il n’est pas permis aux agents de l’État accréditaire d’y pénétrer, sauf avec le consentement du chef de la mission… ». Pour lui donc, c’est en sa qualité de premier responsable de la mission diplomatique, et en vertu de cette disposition qu’il a agi. Mais au ministère des Affaires étrangères, cette lecture des choses de l’ex ambassadeur ne passe pas. On estime qu’il fait une très mauvaise interprétation des dispositions de la Convention de Vienne.
« Ignorance caractérisée des fonctions d’ambassadeur » !
Un haut cadre du ministère soutient même qu’il devrait d’abord savoir que c’est faire preuve « d’une ignorance caractérisée des fonctions d’ambassadeur que de croire qu’assumer lesdites fonctions lui donnait le droit de violer les privilèges et immunités dont jouissent ses propres collaborateurs en qualité d’agents diplomatiques ». Pour lui un ambassadeur a plutôt le devoir de protéger les droits de ses collaborateurs et ne doit, en aucun cas, les exposer à des actes de la puissance publique d’agents de l’État accréditaire, toute chose qui est de nature à mettre en péril la sérénité dont ils ont besoin pour accomplir convenablement leur mission.
Selon notre interlocuteur, l’ex ambassadeur doit aussi apprendre que le consentement du chef de mission en vue de permettre à l’agent de l’État accréditaire de pénétrer dans les locaux de la mission, dont il est question à l’article 22 de la Convention de Vienne, ne vaut que pour les locaux de la mission diplomatique et ne s’étend aucunement aux résidences privées des agents diplomatiques. Seul l’agent diplomatique lui-même peut autoriser l’accès à sa résidence privée, estime-t-il, le domicile privé étant, comme son nom l’indique, un lieu où se déroule la vie privée de la personne. A ce titre, aucune disposition légale ne saurait permettre à l’ambassadeur, fut-il premier responsable de la mission de violer ce domaine privé. Et lui de poursuivre : « …en cas de problème de nature à entraver le fonctionnement normal de l’ambassade ou de porter atteinte à l’intérêt de la mission, l’Ambassadeur a l’obligation d’en informer l’Administration centrale dont les autorités sont habilitées à prendre les décisions qui s’imposent ou à édicter, le cas échéant, la conduite à tenir et les éventuelles mesures à prendre. Or, dans le cas d’espèce, les autorités du ministère des Affaires étrangères n’ont, en aucun moment, été saisies par l’Ambassadeur BOUDO avant le recours aux services d’un huissier de justice et d’un avocat contre son premier collaborateur. Cet acte est une faute d’une extrême gravité, conclut-il l’air grave.
« L’allégation d’emploi fictif pas fondée, selon l’ASCE/LC » !
Mais quid de l’emploi fictif ? C’est en réalité la question centrale qui cristallise toutes les passions. C’est autour de cette question que tout le reste de l’affaire tourne. Qu’en est-il exactement ? Rien, en réalité, peut-on dire après avoir fait le tour de cette affaire. La trésorière et ses soutiens accusent dame Sévérine Bationo d’emploi fictif concernant son personnel de maison, précisément un garçon de ménage que l’ambassade a recruté et mis à sa disposition, conformément à la loi. En clair, pour ses détracteurs, l’homme qui fait office de garçon de ménage ne serait en réalité pas à son poste. Après son recrutement, il s’est avéré qu’il est enseignant permanent à l’université de Koudougou. A ce titre, il ne peut pas être au Canada pour remplir son contrat de garçon de ménage qui exige aussi de lui une présence permanente sur place. Ainsi donc, il percevrait, selon eux, un salaire à l’ambassade pour lequel le service fait n’était pas effectif. « …Ce qu’il faut déceler dans ces ‘’arrangements’’, c’est juste des jongleries pour faire ‘’mouta-mouta’’ sur le salaire qui sera payé sans service fait en contrepartie. Donc pour avoir voulu regarder ça de plus près, l’ambassadeur et la Trésorière ont subi le courroux du tandem ministre des affaires étrangères – chargée d’affaires… », a répondu le secrétaire général adjoint du SATB (Syndicat des agents du trésor du Burkina), un des soutiens forts de la trésorière, Pulchérie Tapsoba.
L’ASCE/LC est saisie de l’affaire. Elle diligente une mission sur place. Jusque-là le rapport de cette mission reste secret. Mais contacté par Bamyinga.com, un membre de la mission ayant requis l’anonymat est catégorique : “cette allégation de recrutement fictif n’est pas fondée”. Selon lui, leurs investigations ont révélé que l’agent incriminé a été recruté conformément à la législation canadienne et la chargée d’affaires pour qui il travaillait, n’était au courant de sa situation de fonctionnaire au Burkina.
Manquement imputable à l’employé et non à dame Bationo
Aussi, il ressort que l’intéressé a régulièrement et assidument assuré le service à son poste de la date de son recrutement, c’est-à-dire du 1er septembre 2021 au 07 mars 2022, date à laquelle il a sollicité et obtenu l’autorisation de sa patronne pour s’absenter. Le seul souci avec cette autorisation d’absence est que celle-ci n’a pas été sollicitée auprès de l’ex ambassadeur qui est l’employeur de l’agent, quand bien même il travaillait pour la ministre conseillère d’alors. Mais cela est-il imputable à cette dernière ? Assurément non. Répond un autre haut cadre du ministère des affaires étrangères. Pour lui, c’était à l’employé de s’adresser à son employeur pour obtenir son autorisation avant de s’absenter. Le fait de ne l’avoir pas fait est un manquement qui n’est imputable qu’à l’employé et lui seul. La bénéficiaire de ses services n’a absolument rien à y voir, au point de l’accabler de tant d’accusations malveillantes, estime-t-il. L’accuser d’emploi fictif alors que c’est l’ambassadeur et non elle qui a signé le contrat de travail de l’intéressé est injuste, ajoute-t-il. Selon lui, le rôle de dame Bationo dans le recrutement s’est limité à trouver une personne remplissant les conditions vis-à-vis de la loi canadienne pour être recruter. Elle l’a proposé à l’ambassadeur qui a conclu le contrat ; elle n’avait aucun moyen dans ces circonstances, et cela n’était aucunement de ses prérogatives d’aller vérifier si l’intéressé était déjà fonctionnaire burkinabè ou pas. Autant l’ambassadeur qui est signataire du contrat n’a pu le déceler, elle non plus ne pouvait le faire. L’employé qui n’a pas mentionné son statut au moment de recrutement est le responsable de ce manquement, conclut-il. Contacté, l’employé confirme qu’il n’avait jamais mis sa patronne au courant de son statut au Burkina, au moment de son recrutement. Il dit assumer pleinement son acte et être prêt à en assumer les éventuelles conséquences. Selon lui, son emploi du temps à l’université de Koudougou lui permettait en tant que résident permanent de résider au Canada comme il le fait déjà depuis un moment, et pouvoir remplir son contrat auprès de l’Ambassade. Concernant le fait d’avoir signé le contrat malgré son statut de fonctionnaire, il soutient qu’en toute franchise, il ignorait qu’il ne pouvait pas le faire et l’a fait savoir à l’ASCE/LC, lors de son audition par celle-ci. Selon lui, il croyait que son statut de résident permanent canadien le lui autorisait. Maintenant qu’on le lui apprend, il se dit même disposé à rembourser toutes les sommes perçues au besoin. Il insiste toutefois que sa patronne n’a absolument rien à y voir et se dit meurtri face aux accusations malveillantes à son encontre pour cela.
La trésorière épinglée !
Finalement lorsque dame Tapsoba est aussi éjectée de son poste, suite à la nomination d’un autre trésorier à sa place, en conseil des ministres, elle et ses partisans, trouvant que c’est à cause de sa dénonciation des prétendues malversations de la chargée d’affaires qu’on lui en veut, vont contester son rappel. Ils dénoncent des irrégularités dans la procédure de son remplacement. Le gouvernement, qui n’est pas aussi exempt de reproche dans la gestion de cette crise, se retrouve coincé. Il a du mal à faire respecter ses décisions, y compris par ses propres membres. Le décret de nomination du nouveau trésorier est même attaqué et suspendu par la justice. L’affaire embarrasse au plus haut point et finit pratiquement par mettre à nu des contradictions entre membres du même gouvernement. C’est à croire que la collégialité gouvernementale a foutu le camp ici. Pendant que son ministère de tutelle la presse de rentrer au bercail, son ministère d’origine et ses camarades du Trésor Public ne l’entendent pas de cette oreille. Toujours est-il qu’elle ne quittera pas son poste. Même la nomination d’un trésorier intérimaire n’y changera quoi que ce soit. Mais le Canada n’est pas le Burkina. Là-bas, il y a des règles et le désordre n’est pas toléré… (voir encadré, “Pulchérie Tapsoba Fugitive au Canada ?” ci-dessous).
Mais il n’y a pas eu que l’ASCE/LC qui se soit intéressée à cette situation. Il ressort qu’avant que celle-ci ne soit saisie, les ministères en charge des Affaires étrangère et des finances avaient déjà pris des initiatives : l’Inspection technique des services (ITS) du ministère des Affaires étrangères et l’Inspection générale des finances (IGF) avaient déjà diligenté une mission conjointe à Ottawa. Entre autres objectifs assignés à cette mission conjointe, examiner l’organisation administrative de l’Ambassade et relever les éventuelles difficultés qui peuvent empêcher son bon fonctionnement, écouter les personnels diplomatique et local, constater les dysfonctionnements administratifs, contrôler et faire le bilan de l’état de mise en œuvre des recommandations des autres corps de contrôle antérieurs, examiner le fonctionnement de la trésorerie en vérifiant l’existence, la conformité et la mise à jour régulière des documents requis pour la gestion matérielle, comptable et financière, faire des suggestions ou des recommandations pour améliorer la gestion administrative, comptable et financière des structures sus visées.
Le rapport succinct de cette mission auquel Bamayinga a pu avoir accès revient aussi sur cette affaire de recrutement du personnel de maison de la chargée d’affaires. Les conclusions de cette mission sur ce point ne diffèrent des informations reçues de notre interlocuteur de l’ASCE/LC : « … il faut noter que le recrutement du garçon de maison de la Chargée d’Affaires a.i. s’est fait dans le respect strict des textes en vigueur… », peut-on lire dans ledit rapport. Même si le document souligne toutefois que l’absence de l’intéressé en tant qu’employé local, hors de la juridiction de l’Ambassade, n’a pas été formalisé par un acte administratif, il n’impute pas cela à la chargée d’affaire. Sur le plan de la gestion financière, comptable et matérielle de l’Ambassade, la mission a relevé les points suivants : « forte incompréhension entre la trésorière et le personnel diplomatique, paiement irrégulier d’avance sur salaire de 28.085.870 FCFA au Conseiller économique dans le compte d’attente, salaire indument perçu par Madame BOUDO, épouse de l’Ambassadeur, non-respect de la déontologie administrative par la trésorière, non-respect de la règlementation relative aux procédures de la commande publique… », indique le rapport. Ainsi donc, la gestion de la trésorière est problématique. N’est-ce pas cela la véritable raison de son attachement obstiné à son poste ? S’interrogent certains observateurs avertis de ce dossier. Plus d’un préconisent même, au cas où la mission de l’ASCE/LC ne s’y serait pas suffisamment appesantie, un contrôle approfondi de sa gestion financière pour être définitivement situé. Va-t-on aller dans ce sens ? Affaire à suivre.
Par Y. Ladji BAMA
ENCADRE 1
Pulcherie Tapsoba fugitive au Canada ?
Suite à la nomination d’un intérimaire à sa place, et celui-ci ayant demandé et obtenu un visa auprès des autorités canadiennes pour rentrer sur le territoire canadien, l’ancienne trésorière n’avait plus, aux yeux des responsables canadiens, de raison de continuer à séjourner sur leur territoire ; deux personnes ne pouvant pas être là pour le même poste. C’est ainsi que dans une note en date du 20 avril 2023, dont Bamyinga a pu prendre connaissance, Affaires Mondiales Canada, le ministère canadien en charge des affaires étrangères a saisi l’ambassade du Burkina à Ottawa à l’effet de voir l’ancienne trésorière quitter le territoire canadien. La note prend même une allure d’ultimatum en évoquant le paragraphe 2 de l’article 39 de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques. Ce paragraphe, dit la note, stipule que « lorsque les fonctions d’une personne bénéficiant des privilèges et immunités prennent fin, ces privilèges et immunités cessent normalement au moment où cette personne quitte le pays, ou à l’expiration d’un délai raisonnable qui lui aura été accordé à cette fin […] ». Au Canada, poursuit-elle, l’alinéa (a) de l’article 3 de Loi sur les missions étrangères et les organisations internationales définit le « délai raisonnable » comme une période d’au plus dix jours à compter de la date à laquelle prennent fin les fonctions du titulaire en cause des privilèges et immunités. « Considérant le fait que les fonctions de Madame Tapsoba Lagware aient pris fin le 8 février 2023, les dix jours prescrits en vertu de la loi précitée sont écoulés depuis le 18 février. Le ministère souhaite porter à l’intention de l’ambassade qu’il incombe à la République du Burkina Faso de prendre toutes les mesures nécessaires pour concrétiser le rappel de l’ex-Attachée et de sa fille sans plus tarder, et de notifier le Bureau du protocole de leur départ définitif du Canada d’ici le 27 avril 2023 en vertu du paragraphe 1(a) et (b) de l’article 10 de la CVRD. Dans l’attente d’une notification de leur départ, le ministère souhaite aviser l’Ambassade que le Bureau du protocole a invalidé leurs acceptations diplomatiques et informé Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) en conséquence », a écrit le ministère canadien, visiblement agacé par la situation. A l’expiration de cet ultimatum, dame Tapsoba a disparu des radars, apprend-on auprès de témoins sur place au Canada. Elle ne serait pas rentrée au Burkina non plus. Pourtant, billet d’avion et autres lui ont été envoyés pour rentrer. Contactée par Bamyinga au téléphone, elle est restée pratiquement aphone sur la situation. La voix pratiquement nouée, comme si elle était en larmes, elle soutient ne pas savoir ce qu’elle a bien pu faire pour mériter un tel traitement. Les autorités canadiennes ayant fini par annuler tous ses documents officiels de séjour au Canada, si elle est toujours sur le territoire canadien, ce serait sans doute illégalement. Dans ce cas, elle pourrait être expulsée à tout moment. Selon certaines informations, elle et ses soutiens seraient toujours en train de faire des mains et des pieds pour qu’elle ne rentre pas. Y parviendront-ils ?
BYL
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ENCADRE 2
Morale et rigueur à géométrie variable de l’ex ambassadeur et de l’ex trésorière !
Selon nos investigations, d’octobre 2017 à avril 2019, l’épouse de l’ambassadeur Boudo, dame Koumbou Boudo, au profit de qui le rapport de l’ITS, reproche à l’ex trésorière d’avoir indument payé un salaire, travaillait à leur résidence. C’est-à-dire au domicile où elle vivait avec son époux. C’est pour ce travail qu’elle a perçu pendant ces 17 mois un salaire. Comment comprendre cela de la part de l’ex ambassadeur ? Celui-là même qui a laissé entendre à la télévision qu’il était totalement immoral que l’époux de son numéro 2, avec qui celle-ci vivait dans le même domicile, sans possibilité pour lui d’aller vérifier le service fait, soit recruté comme homme de ménage. Pendant ce temps, il accepte que son épouse à lui, reste chez lui pour travailler et être payée sans y voir de l’immoralité.
Selon la trésorière et ses alliés, la nomination de son successeur qu’elle conteste est irrégulière, car violant les règlements en la matière. C’est ce qui expliquerait leur farouche opposition à cette nomination. Cependant, face à une autre nomination dont l’irrégularité est visiblement encore plus frappante, en l’occurrence celle du sieur Camara Yacouba, nommé conseiller économique auprès de ladite ambassade, dame Tapsoba, la trésorière très regardante et rigoureuse sur le respect des règles, n’a pas trouvé à redire. Mieux elle a jugé bon de lui inventer une catégorie indiciaire de la Fonction publique pour payer un salaire à cet agent sans matricule de la Fonction publique ni contrat dûment signé. Le tout sous l’œil vigilant de l’ex ambassadeur, cet autre parangon de la vertu, puriste de la morale, aussi regardant sur la moralité de la dépense. Comment comprendre cette rigueur et cette morale à géométrie variable chez eux ? Se demande-t-on.
BYL
Merci beaucoup pour cette immense énergie fournie afin de nous renseigner sur les couloirs sombres de nos ambassades à travers la représentation de nos missionnaires accrédités au Canada. Donc C’est ainsi que nos maigres ressources ployent sous le lourds poids de la malversations des agents véreux privilégiés à l’extérieur. Aussi sont-Ils nombreux qui jouent le sale rôle de taupe en faveur de service renseignements extérieurs contre leur propre Nation en échange de documents réglementaires de séjour ou de nationalité. C’est très pathétique pour ces ex-missionnaires. Que des cas semblables soient détectés et traités selon les textes en vigueur afin d’épurer notre administration des rapaces et ravisseurs qui, visiblement, sont des “terroristes” d’un autre niveau! !.