Le procureur militaire a-t-il menti ?
La mort du jeune Commandant de l’armée burkinabè, Ismael Touhogobou, dans des circonstances assez troubles, au petit matin du 8 octobre 2023, à Ouagadougou ne finit pas de faire des vagues, tant dans l’opinion que dans les milieux militaires. Les versions se succèdent et se contredisent. Le doute et la suspicion ne semblent pas près de retomber sur cette troublante mort. Dans un laconique communiqué rendu public le même jour, le procureur militaire de Ouagadougou a donné sa version des faits. Mais le moins que l’on puisse dire est que celle-ci est loin de mettre tous d’accord. Bamyinga.com a mené sa petite enquête.
A en croire le communiqué du procureur militaire, en date du 8 octobre 2023, la mort du Commandant Ismaël Touhogobou serait survenue « suite à une interpellation aux environs de 7h qui aurait mal tourné ». L’intéressé, poursuit le communiqué, faisait l’objet d’un mandat d’amener en relation avec la tentative d’atteinte à la sûreté de l’Etat. « S’opposant à son interpellation, l’officier aurait fait usage de son arme, blessant un élément de l’équipe d’interpellation qui a été admis dans un centre de santé pour des soins appropriés ».
Outre ce communiqué du procureur militaire, certains communicants des cercles du pouvoir ont aussi distillé certaines informations dans la même tendance, laissant croire que les faits se seraient passés au domicile du commandant. Ce serait donc à son domicile que le commandant aurait ouvert le feu sur ses visiteurs d’un autre genre. Contrairement au procureur qui parle d’un blessé dans son communiqué, ceux-ci parlent de plusieurs blessés.
Les sources recoupées de Bamyinga.com, tant dans les milieux militaires, les proches du défunt que parmi les riverains du lieu présumé où les faits se sont produits ne concordent pas avec ces versions du procureur militaire et des relais du pouvoir en place. « L’information selon laquelle il (ndlr: le regretté) aurait ouvert feu sur ceux qui étaient venus l’arrêter est une contre-vérité. La vérité c’est qu’il a été arrêté dans un lieu autre que son domicile », explique une source proche du défunt. Et, lorsqu’il a été arrêté, poursuit cette source, « il a pu envoyer un message à une personne proche de lui pour l’informer qu’il venait d’être arrêté ». Et cette personne de lui demander qui sont ceux qui l’ont arrêté et où l’emmènent-ils ? Questions auxquelles l’intéressé n’a plus jamais donné de réponse jusqu’à ce que la nouvelle de sa mort survienne. Quelqu’un qu’on est venu arrêter et qui serait mort suite à un échange de coups de feu peut-il avoir le temps d’envoyer un tel message ? Se demande-t-on au niveau des proches du regretté.
Une seule balle logée en plein cœur !
Suite à l’annonce du décès, une délégation de la famille du défunt, dont faisaient partie son père et sa mère, ayant fait le déplacement depuis Pô, sa ville d’origine, est allée pour voir le corps. Mais ce sera un véritable parcours du combattant. A leur arrivée, raconte un proche de la famille, lorsqu’ils ont demandé à voir le corps, les hommes trouvés sur place, avec à leur tête un Colonel, ont, dans un premier temps, opposé un refus catégorique. Et la délégation de leur demander si elle en avait le droit ou pas. Après moult tergiversations, les intéressés finissent par dire que seul le père a le droit de voir le corps, mais pas tous les autres membres de la délégation.
Face à l’intransigeance des membres de la délégation pour voir le corps, les hommes admettent dans un deuxième temps que ce soit le père et la mère seuls qui puissent le voir. Mais la délégation refuse et tient mordicus. Finalement, face à leur détermination, après d’infinis coups de fil, ils finissent par accepter que tout le monde voie le corps. A la grande surprise des membres de la délégation, arrivés sur le corps, c’est juste le visage qu’on découvre pour eux. On leur dit qu’ils ne peuvent pas voir le reste du corps.
Une fois de plus la délégation va se montrer intraitable. Elle leur fait savoir qu’elle a demandé à voir le corps de son fils et non son visage. Les intéressés précisent qu’ils tiennent à le voir des orteils jusqu’aux cheveux. Sur ces entrefaites, le Colonel leur fait savoir que pour cela il faut une autorisation du juge militaire. La délégation lui répond qu’ils peuvent prendre toutes les dispositions qu’ils souhaitent, mais elle tient à voir le corps de son fils. Dans l’embarras, le Colonel se remet encore à passer des coups de fil. Il reste pendant un moment dans d’infinis conciliabules au téléphone, avant de revenir dire à ses hommes de sortir l’intégralité du corps pour que la famille puisse le voir.
C’est là que les membres de la délégation tombent des nues. Seule la trace d’une seule balle est visible sur le corps, précisément au niveau de la poitrine. La délégation se rendra compte que l’infortuné a été tué d’une seule balle logée au niveau de son cœur, indique la source de Bamyinga.com.
Impossible non plus de voir le blessé !
Un membre de la délégation demande à faire une photo. Là encore, le refus du colonel et ses hommes est formel et sans appel. La délégation aura tout fait en vain, rapporte notre source. On ne lui permettra pas de faire la photo. En désespoir de cause, la délégation finit par dire que dans ce cas, la famille ne peut accepter l’inhumation du corps qui était prévue le jeudi 12 octobre 2023. La famille exige une autopsie. Elle a immédiatement introduit la demande d’autopsie. C’est ainsi que l’inhumation a été reportée et n’a pu avoir lieu à la date indiquée.
Autre fait curieux rapporté dans le récit de voyage de cette délégation, elle a dit avoir appris, notamment à travers le communiqué du procureur militaire que le regretté aurait fait usage de son arme et aurait fait au moins un blessé qui serait en soin dans un centre de santé; est-il possible de rendre visite à ce blessé ? A demandé la délégation aux hommes. Là encore un autre refus catégorique lui a été opposé.
Bamyinga.com est rentré en contact avec le procureur militaire, le magistrat Commandant Alphonse Zorma, pour comprendre davantage son communiqué et ses implications. L’homme a dit qu’il lui fallait l’autorisation de sa hiérarchie pour parler à un journaliste. Nous lui avons donc laisser le temps de requérir cette autorisation et nous revenir. Malheureusement, malgré nos relances, il ne nous est plus revenu, jusqu’à ce que nous bouclions ces lignes. Nous y reviendrons.
Par Y. Ladji BAMA
ENCADRE 1
Une chose qui interpelle, au premier abord, dans le communiqué du procureur est le conditionnel employé à tout bout de champ. Que faut-il entendre par cet emploi excessif du conditionnel dans un communiqué censé situer l’opinion sur les circonstances de cet incident malheureux ? Le procureur n’est-il pas si sûr de ces informations qu’il donne ? Ou, entend-il ainsi dégager sa responsabilité quant aux implications de ces informations ? Est-ce pour indiquer tout simplement qu’il ne fait que rapporter des propos d’autrui ? La suite de cette affaire qui ne manquera sans doute pas de rebondissements nous situera.
BYL
ENCADRE 2
“Un vrai gâchis” !
Ils sont nombreux parmi les connaissances et frères d’armes du défunt qui sont inconsolables depuis la brusque disparition du commandant Ismaël Touhogobou. Un homme très serviable et disponible, un officier hors pair, très aimé de la troupe, un chef exemplaire qui savait toujours se mettre au-devant de ses hommes, il savait faire l’unanimité autour de lui. A Djibo où il assurait, jusqu’à une date récente, le commandement du détachement militaire sur place, il a fait ses preuves en démontrant des qualités d’un combattant aguerri. « Sa disparition aussi tôt est une grosse perte, un véritable gâchis pour le pays entier », soutient un de ses frères d’arme proche de lui de son vivant. Pour ce dernier, Ismaël a sans doute été victime de son franc-parler légendaire. Il n’aimait pas l’injustice et était toujours prêt à cracher ses vérités, face à l’injustice, sans tenir compte de qui est en face de lui. Ceci explique-t-il cela ? Sans doute la suite situera davantage.
BYL
C’est vraiment très triste ce qui entrain de se passer sous notre cieux. Que l’âme du défunt repose en paix. Que justice soit rendue.
Afin que plus jamais ça se répète ces tueries
Dommage, vraiment dommage entre frères d’armes, ils devraient évités au maximum ça. Que Dieu apaise les cœurs des parents, la veuve et les orphelins.